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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

lui, Marat, était frappé. Le régiment Royal-Allemand et le régiment de Berchiny désertèrent. Isnard[1] parlait de la perfidie de la cour, Gensonné et Brissot dénonçaient le comité autrichien[2]. Une insurrection éclata à propos de la garde du roi, qui fut licen-

  1. Maximin Isnard (1751-1825), député du Var à la Législative, à la Convention et au Conseil des Cinq-Cents. Il fut, dans les deux premières de ces Assemblées, l’un des plus éloquents orateurs du parti de la Gironde. « L’homme du parti girondin, a écrit Charles Nodier, qui possédait au plus haut degré le don de ces inspirations violentes qui éclatent comme la foudre en explosions soudaines et terribles, c’était Isnard, génie violent, orageux, incompressible. » À la Législative, il s’était signalé par la véhémence de son langage contre les prêtres, il avait dit du haut de la tribune : « Contre eux, il ne faut pas de preuves ! » À la Convention, il avait voté la mort du roi ; mais, avant même la chute de la République, sa conversion religieuse et politique était complète ; il ne craignait pas de se dire hautement catholique et royaliste. On lit dans une publication intitulée Préservatif contre la Biographie nouvelle des contemporains, par le comte de Fortia-Piles (1822) : « Isnard a frémi de sa conduite révolutionnaire ; ses crimes se sont représentés à ses yeux ; le plus irrémédiable de tous, celui du 21 janvier, ne pouvait être effacé par un repentir ordinaire. Qu’a-t-il fait ? En pleine santé, jouissant de toutes ses facultés, il s’est rendu en plein midi (et plus d’une fois) le jour anniversaire du crime, au lieu où il a été consommé ; là il s’est agenouillé sur les pierres inondées du sang du roi martyr ; il s’est prosterné à la vue de tous les passants, a baisé la terre sanctifiée par le supplice du juste, a mouillé de ses larmes les pavés qui lui retraçaient encore l’image de son auguste victime ; il a fait amende honorable et a imploré à haute voix le pardon de Dieu et des hommes. »
  2. Armand Gensonné, député de la Gironde à la Législative et à La Convention, né à Bordeaux le 10 août 1758, exécuté à Paris le 31 octobre 1793. — Jean-Pierre Brissot de Warville, député de Paris à l’Assemblée législative et député d’Eure-et-Loir à la Convention, né à Chartres le 14 janvier 1754, guillotiné le 31 octobre 1793. La dénonciation de Gensonné et de Brissot contre le prétendu comité autrichien eut lieu dans la séance du 23 mai 1792.