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Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t2.djvu/474

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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

homme, en raison même de son élévation, était arrêté par mille entraves politiques ; pour jouir de ce que la société publique accorde à tous, il était obligé de se cacher. Ce mariage légitime, aujourd’hui connu, rehausse l’éclat d’une fin tragique ; il substitue la gloire du ciel au pardon du ciel : la religion perpétue la pompe du malheur, quand, après la catastrophe accomplie, la croix s’élève sur le lieu désert.


M. de Talleyrand, après la brochure de M. de Rovigo, avait présenté un mémoire justificatif à Louis XVIII : ce mémoire, que je n’ai point vu et qui devait tout éclaircir, n’éclaircissait rien. En 1820, nommé ministre plénipotentiaire à Berlin, je déterrai dans les archives de l’ambassade une lettre du citoyen Laforest[1], au sujet de M. le duc d’Enghien. Cette lettre

    d’Enghien d’avoir formé ce lien sans consulter son grand-père ? Le désir ardent de voir se perpétuer sa glorieuse race fut-il le seul argument du chef de la maison contre un lien demeuré stérile ?… Après la mort du duc d’Enghien, le duc de Bourbon offrit à la princesse Charlotte de sanctionner par un aveu tardif le mariage de son fils… Elle refusa cette offre, ne voulant pas de la fortune de celui dont on ne lui avait pas permis de porter le nom… Nous tenons de la source la plus respectable que, dans les premières années de la Restauration, la princesse Charlotte étant annoncée chez la duchesse de Bourbon, la duchesse s’avança vers elle en l’appelant ma fille. »

  1. Antoine-René-Charles-Mathurin de Laforest (1756-1846). Il était entré dans la diplomatie sous Louis XVI. Talleyrand, qui l’avait beaucoup connu aux États-Unis, où Laforest avait été consul général, le nomma, dès son entrée au ministère des relations extérieures (18 juillet 1797), chef de la direction de la comptabilité et des fonds. Sous le Consulat, il accompagna Joseph Bonaparte au congrès de Lunéville, en qualité de premier secrétaire de légation ; il fut ensuite envoyé à Munich, puis à la diète de Ratisbonne, comme chargé d’affaires extraordinaire. Il géra avec une grande habileté, au milieu des circons-