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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

vait menée, comme je viens de le dire. Je n’y trouvai point Jussac, Termes, Flamarens que madame de Sévigné avait devant et après elle, en 1677 ; depuis cent vingt et quelques années, ils dormaient. Je laissai à Paris ma sœur, madame de Caud, qui s’y était établie depuis l’automne de 1804. Après un court séjour à Vichy, madame de Chateaubriand me proposa de voyager, afin de nous éloigner pendant quelque temps des tracasseries politiques.

On a recueilli dans mes œuvres deux petits Voyages que je fis alors en Auvergne et au Mont-Blanc[1]. Après trente-quatre ans d’absence, des hommes, étrangers à ma personne, viennent de me faire, à Clermont, la réception qu’on fait à un vieil ami. Celui qui s’est longtemps occupé des principes dont la race humaine jouit en communauté, a des amis, des frères et des sœurs dans toutes les familles : car si l’homme est ingrat, l’humanité est reconnaissante. Pour ceux qui se sont liés avec vous par une bienveillante renommée, et qui ne vous ont jamais vu, vous êtes toujours le même ; vous avez toujours l’âge qu’ils vous ont donné ; leur attachement, qui n’est point dérangé par votre présence, vous voit toujours jeune et beau comme les sentiments qu’ils aiment dans vos écrits.

Lorsque j’étais enfant, dans ma Bretagne, et que j’entendais parler de l’Auvergne, je me figurais que celle-ci était un pays bien loin, bien loin, où l’on voyait des choses étranges, où l’on ne pouvait aller qu’avec grand péril, en cheminant sous la garde de la

  1. Voir, au tome VI des Œuvres complètes, Cinq jours à Clermont (Auvergne) 2, 3, 4, 5 et 6 août 1805. — et le Mont-Blanc, paysages de montagnes, fin d’août 1805.