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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

avait au moins, tant hommes que femmes et enfants, cent cinquante Grecs qui allaient en pèlerinage à Jérusalem, ce qui causait beaucoup d’embarras dans le bâtiment.

« Nous avions, de même que les autres passagers, nos provisions de bouche et nos ustensiles de cuisine que j’avais achetés à Constantinople. J’avais, en outre, une autre provision assez complète que M. l’ambassadeur nous avait donnée, composée de très beaux biscuits, jambons, saucissons, cervelas ; vins de différentes sortes, rhum, sucre, citrons, jusqu’à du vin de quinquina contre la fièvre. Je me trouvais donc pourvu d’une provision très abondante, que je ménageais et ne consommais qu’avec une grande économie, sachant que nous n’avions pas que ce trajet à faire : tout était serré où aucun passager ne pouvait aller.

« Notre trajet, qui n’a été que de treize jours, m’a paru très long par toutes sortes de désagréments et de malpropretés sur le bâtiment. Pendant plusieurs jours de mauvais temps que nous avons eus, les femmes et les enfants étaient malades, vomissaient partout, au point que nous étions obligés d’abandonner notre chambre et de coucher sur le pont. Nous y mangions beaucoup plus commodément qu’ailleurs, ayant pris le parti d’attendre que tous nos Grecs aient fini leur tripotage. »

Je passe le détroit des Dardanelles ; je touche à Rhodes, et je prends un pilote pour la côte de Syrie. — Un calme nous arrête sous le continent de l’Asie, presque en face de l’ancien cap Chélidonia. — Nous restons deux jours en mer, sans savoir où nous étions.