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Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t2.djvu/77

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de Charles Ier. Il n’y avait pas un chevalier de la Manche, malade, écloppé, coiffé d’un bonnet de nuit sous son castor à trois cornes, qui ne se crût très-fermement capable de mettre en fuite, à lui tout seul, cinquante jeunes vigoureux patriotes. Ce respectable et plaisant orgueil, source de prodiges à une autre époque, ne m’avait pas atteint : je ne me sentais pas aussi convaincu de la force de mon invincible bras.

Nous surgîmes invaincus à Thionville, le 1er septembre ; car, chemin faisant, nous ne rencontrâmes personne. La cavalerie campa à droite, l’infanterie à gauche du grand chemin qui conduisait à la ville du côté de l’Allemagne. De l’assiette du camp on ne découvrait pas la forteresse ; mais à six cents pas en avant, on arrivait à la crête d’une colline d’où l’œil plongeait dans la vallée de la Moselle. Les cavaliers de la marine liaient la droite de notre infanterie au corps autrichien du prince de Waldeck[1], et la gauche de la même infanterie se couvrait des dix-huit cents chevaux de la Maison-Rouge et de Royal-Allemand. Nous nous retranchâmes sur le front par un fossé, le long duquel étaient rangés les faisceaux d’armes. Les huit compagnies bretonnes occupaient deux rues transversales du camp, et au-dessous de nous s’alignait la compagnie des officiers de Navarre, mes camarades.

Ces travaux, qui durèrent trois jours, étant achevés, Monsieur et le comte d’Artois arrivèrent ; ils firent la

    du Parlement et secrétaire d’État de Charles Ier. Après s’être d’abord prononcé en faveur de la rébellion, il épousa chaudement la cause royale ; il fut tué à la bataille de Newbury.

  1. Chrétien-Auguste, prince de Waldeck (1744-1798). Il perdit un bras au siège de Thionville.