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Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t3.djvu/224

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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

accorder à ses intercessions. Elle habitait une petite maison esseulée sur la rive droite du Niémen, et on

    reine de Prusse ; il n’avait pas rougi de descendre contre elle jusqu’à l’insulte :

    1er bulletin de la Grande-Armée, 8 octobre 1806 : — « Maréchal, dit l’Empereur au maréchal Berthier, on nous donne un rendez-vous d’honneur pour le 8 ; jamais un Français n’y a manqué ; mais comme on dit qu’il y a une belle reine qui veut être témoin des combats, soyons courtois, et marchons sans nous coucher pour la Saxe. » L’Empereur avait raison de parler ainsi, car la reine de Prusse est à l’armée, habillée en amazone, portant l’uniforme de son régiment de dragons, écrivant vingt lettres par jour pour exciter de toutes parts l’incendie. Il semble voir Armide dans son égarement, mettant le feu à son propre palais. »

    8e bulletin, Weimar, 16 octobre. — « La reine de Prusse a été plusieurs fois en vue de nos postes ; elle est dans des transes et dans des alarmes continuelles. La veille, elle avait passé son régiment en revue. Elle excite sans cesse le roi et les généraux. Elle voulait du sang : le sang le plus précieux a coulé. »

    9e bulletin, 16 octobre. — « La reine de Prusse était ici pour souffler le feu de la guerre. C’est une femme d’une jolie figure, mais de peu d’esprit. »

    17e bulletin, Postdam, 25 octobre. — « C’est de ce moment que la reine a quitté le soin de ses affaires intérieures et les graves occupations de sa toilette, pour se mêler des affaires d’État, influencer le roi et susciter partout ce feu dont elle était possédée… (Vient ici le passage déjà cité à la note 2 de la page 195 (note 160 de ce livre), sur la gravure où la reine de Prusse est représentée appuyant la main sur son cœur et ayant l’air de regarder l’empereur de Russie.)

    19e bulletin, Charlottembourg, 27 octobre 1806. — « La reine, à son retour de ses ridicules et tristes voyages à Erfurth et à Weimar, a passé la nuit à Berlin sans voir personne… Tout le monde avoue que la reine est l’auteur des maux que souffre la nation prussienne… On a trouvé dans l’appartement que la reine occupait à Postdam le portrait de l’empereur de Russie, dont ce prince lui avait fait présent… On a trouvé à Charlottembourg sa correspondance avec le roi pendant trois ans… Ces pièces démontreraient, si cela avait besoin d’une démonstration, combien sont malheureux les princes qui laissent prendre aux femmes l’influence sur les affaires politiques. Les notes, les