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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

que l’on payât ses dettes ; elles montaient à 70 000 francs. Le paiement fut convenu et effectué en deux termes par Maret, duc de Bassano. La nomination fut faite[1].


À l’appui de sa singulière et monstrueuse accusation, il eut peut-être été séant que M. le comte Ferrand produisît ses preuves. Elles étaient, à l’en croire, « dans les cartons de la police », à l’époque où parut la Monarchie selon la Charte, c’est-à-dire en 1816. Elles y étaient donc également en 1815. Mais alors comment expliquera-t-on que le gouvernement des Cent-Jours ne les ait pas fait sortir des « cartons » où elles étaient déposées ? Chateaubriand avait publié, en 1814, contre Bonaparte le plus sanglant et le plus terrible des pamphlets. Une telle et si furieuse attaque légitimait, certes, toutes les représailles. On devait d’autant moins hésiter à y recourir, en 1815, qu’à ce moment l’auteur de Bonaparte et les Bourbons était à Gand, auprès de Louis XVIII, avec le titre de ministre de l’Intérieur, et qu’il venait, dans son Rapport au Roi, de renouveler ses attaques contre l’Empereur. Le gouvernement impérial ne laissa point son nouvel écrit sans réponse. Plusieurs brochures furent lancées contre lui. Elles étaient les plus injurieuses du monde et les plus perfides ; quelques-unes sortaient des bureaux de la police. Dans aucune, il n’est fait allusion aux 70 000 francs versés par M. Maret. M. Maret est redevenu ministre d’État ; il peut déshonorer le plus redoutable ennemi de son maître ; il n’a pour cela qu’un mot à dire ; et ce mot, il ne le dit pas ! La Police a entre les mains, contre le ministre de Louis XVIII, une arme terrible, et elle refuse de s’en servir ! À qui fera-t-on croire ces choses, et que de tels scrupules aient arrêté un seul instant la Police des Cent-Jours ?

Mais il y a mieux, et nous avons la preuve qu’en 1811, au moment de sa nomination à l’Académie, Chateaubriand

  1. Mémoires du comte Ferrand, ministre d’État sous Louis XVIII. p. 178. — Paris, 1897.