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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

comme un ouvrage de philosophie générale, appartenant à la morale ou à l’éducation[1].

Tenant avec raison cette réponse pour peu satisfaisante, le ministre fit observer que l’ouvrage de Chateaubriand rentrait incontestablement dans les termes du programme dressé par le décret qui avait institué les Prix décennaux. Puis, il insista pour qu’il fût répondu à la note de l’Empereur, objet de sa première lettre, par une opinion motivée sur le Génie du christianisme.

À la suite de cette seconde lettre de M. de Montalivet, l’Académie nomma une commission nouvelle de cinq membres, MM. Morellet, Arnault, Lacretelle aîné, Daru et Sicard.

Le rapport fut fait par l’abbé Morellet, classique endurci et philosophe impénitent, l’un de ceux qui avaient jadis critiqué le plus vivement Atala. L’abbé n’avait nul goût pour l’imagination et pour les idées de Chateaubriand. Son rapport fut modéré cependant et, sur quelques points, très favorable au Génie du christianisme.

Il n’en fut pas de même de quelques opinions lues dans la séance secrète de l’Académie. M. Villemain qui a eu sous les yeux le texte de ces opinions et le procès-verbal de la séance, les a très fidèlement analysés[2].

Népomucène Lemercier se montra nettement hostile. Après avoir établi « qu’un ouvrage littéraire est mauvais, s’il n’a pas la raison pour objet fondamental, un langage propre et juste pour expression, et des figures vraies pour ornement » il concluait que le Génie du christianisme, péchant contre ces trois conditions, ne pourrait, sans une petite teinte de ridicule, occuper plus longtemps l’Académie.

Le comte Regnaud de Saint Jean d’Angély se plaça surtout au point de vue politique. Il reprocha à l’auteur les choses les plus disparates, l’irrévérence envers la Révolu-

  1. Villemain, M. de Chateaubriand, sa vie, ses écrits, p. 175.
  2. Villemain, pages 176 à 181.