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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

sonne très bien née, fille de M. de Sainte-Aulaire[1]. Il est vrai que M. Decazes servait trop bien la royauté ; ce fut lui qui déterra le maréchal Ney dans les montagnes d’Auvergne où il s’était caché.

Fidèle aux inspirations de son trône, Louis XVIII disait de M. Decazes : « Je l’élèverai si haut qu’il fera envie aux plus grands seigneurs. » Ce mot, emprunté d’un autre roi, n’était qu’un anachronisme : pour élever les autres, il faut être sûr de ne pas descendre ; or, au temps où Louis XVIII était arrivé, qu’était-ce que les monarques ? S’ils pouvaient encore faire la fortune d’un homme, ils ne pouvaient en faire la grandeur ; ils n’étaient plus que les banquiers de leurs favoris.

Madame Princeteau, sœur de M. Decazes, était une agréable, modeste et excellente personne ; le roi s’en était amouraché en perspective, M. Decazes le père, que je vis dans la salle du trône en habit habillé, l’épée au côté, chapeau sous le bras, n’eut cependant aucun succès.

Enfin, la mort de M. le duc de Berry accrut les inimitiés de part et d’autre et amena la chute du favori. J’ai dit que les pieds lui glissèrent dans le sang[2], ce

  1. M. Decazes avait épousé, en 1805, une fille du comte Muraire, premier président de la cour de Cassation, ce qui lui avait valu une place de juge au tribunal de la Seine ; sa femme mourut l’année suivante. Au mois d’août 1818, il épousa, en secondes noces, Mlle de Sainte-Aulaire, petite-fille par sa mère du dernier prince régnant de Nassau-Saarbruck ; en considération de ce mariage, le roi de Danemarck lui donna le titre de duc et la terre de Glücksberg.
  2. Dans un article du Conservateur, sous la date du 3 mars 1820. Voici le passage où se trouve le mot de Chateaubriand : «… Pas une proclamation pour annoncer à la patrie un si grand