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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

à se faire magnanime en enrageant ; opposition d’imbécillités mutines chez les soldats, de capitulations ambitieuses parmi les chefs. Tant que l’Angleterre a été saine, elle n’a jamais eu qu’une opposition systématique : on entrait et l’on sortait avec ses amis ; en quittant le portefeuille on se plaçait sur le banc des attaquants. Comme on était censé s’être retiré pour n’avoir pas voulu accepter un système, ce système étant resté près de la couronne devait être nécessairement combattu. Or, les hommes ne représentant que des principes, l’opposition systématique ne voulait emporter que les principes, lorsqu’elle livrait l’assaut aux hommes[1].


Ma chute fit grand bruit : ceux qui se montraient les plus satisfaits en blâmaient la forme. J’ai appris depuis que M. de Villèle hésita ; M. de Corbière décida la question : « S’il rentre par une porte au conseil,

  1. Ce petit couplet en l’honneur de l’opposition systématique n’est pas seulement très spirituel, il exprime encore une idée très juste et très vraie. Un des hommes qui ont le plus étudié et le mieux connu la théorie et la pratique du gouvernement représentatif, M. de Cormenin, dans son Livre des Orateurs, ne parle pas autrement que Chateaubriand : « Vous dites que vous êtes indépendants et que vous ne relevez que de votre conscience. C’est fier ! c’est beau ! Mais votre prétendue conscience n’est que de l’orgueil, votre prétendue indépendance n’est que de l’anarchie. Autant de têtes, autant d’opinions ; autant de soldats, autant de capitaines. Je vois des combattants, mais point d’armée ; je vois des opposants, mais point d’opposition. Sachez donc que toute opposition qui n’est pas systématique n’a pas de caractère, de principe, d’influence, de but, ni même de nom. Elle ne fait pas les affaires de la France, elle ne fait pas même les siennes. C’est un bariolage de couleurs rouges, bleues, jaunes, blanches, vertes, avec leurs teintes plus ou moins foncées. Le merveilleux tableau que cela fait ! » (Tome I, p. 64.)