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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

l’obscurité pour nous punir d’avoir subi le joug de la gloire[1] ? »

La transaction relative à Saint-Domingue me fournit l’occasion de développer quelques points de notre droit public, auquel personne ne songeait.

Arrivé à de hautes considérations et annonçant la transformation du monde, je répondais à des opposants qui m’avaient dit : « Quoi ! nous pourrions être républicains un jour ? radotage ! Qui est-ce qui rêve aujourd’hui la République ? etc., etc.

« Attaché à l’ordre monarchique par raison, répliquais-je, je regarde la monarchie constitutionnelle comme le meilleur gouvernement possible à cette époque de la société.

« Mais si l’on veut tout réduire aux intérêts personnels, si l’on suppose que pour moi-même je croirais avoir tout à craindre dans un état républicain, on est dans l’erreur.

« Me traiterait-il plus mal que ne m’a traité la monarchie ? Deux ou trois fois dépouillé pour elle ou par elle, l’Empire, qui aurait tout fait pour moi si je l’avais voulu, m’a-t-il plus rudement renié ? J’ai en horreur la servitude ; la liberté plaît à mon indépendance naturelle ; je préfère cette liberté dans l’ordre monarchique, mais je la conçois dans l’ordre populaire. Qui a moins à craindre de l’avenir que moi ? J’ai ce qu’aucune révolution ne peut me ravir : sans place, sans honneurs, sans fortune, tout gouvernement qui ne serait pas assez stupide pour dédaigner l’opinion serait obligé de me compter pour

  1. Article du 8 août 1825, sur la Conversion des rentes. Œuvres complètes, tome XXVI, p. 411.