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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

« J’ai bien tardé, monsieur, à vous rendre grâce de votre admirable discours. Une fluxion sur les yeux, des travaux pour la Chambre, et plus encore les épouvantables séances de cette Chambre, me serviront d’excuse. Vous savez d’ailleurs combien mon esprit et mon âme s’associent à tout ce que vous dites et sympathisent avec tout le bien que vous essayez de faire à notre malheureux pays. Je suis heureux de réunir mes faibles efforts à votre puissante influence, et le délire d’un ministère qui tourmente la France et voudrait la dégrader, tout en m’inquiétant sur ses résultats prochains, me donne l’assurance consolante qu’un tel état de choses ne peut se prolonger. Vous aurez puissamment contribué à y mettre un terme, et si je mérite un jour qu’on place mon nom bien après le vôtre dans la lutte qu’il faut soutenir contre tant de folie et de crime, je m’estimerai bien récompensé.

« Agréez, monsieur, l’hommage d’une admiration sincère, d’une estime profonde et de la plus haute considération.

« Benjamin Constant.
« Paris, ce 21 mai 1827. »

C’est au moment dont je parle que j’arrivai au plus haut point de mon importance politique. Par la guerre d’Espagne j’avais dominé l’Europe ; mais une opposition violente me combattait en France : après ma chute, je devins à l’intérieur le dominateur avoué de l’opinion. Ceux qui m’avaient accusé d’avoir commis une faute irréparable en reprenant la plume étaient