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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

de la grande et bonne ville, vous n’avez vu que le prince heureux : quand vous vous pressiez autour de lui, le 12 avril 1814 ; quand vous touchiez en pleurant d’attendrissement des mains sacrées, quand vous retrouviez sur un front ennobli par l’âge et le malheur toutes les grâces de la jeunesse, comme on voit la beauté à travers un voile, vous n’aperceviez que la vertu triomphante, et vous conduisiez le fils des rois à la couche royale de ses pères.

« Mais nous, nous l’avons vu dormir sur la terre, comme nous sans asile, comme nous proscrit et dépouillé. Eh bien, cette bonté qui vous charme était la même ; il portait le malheur comme il porte aujourd’hui la couronne, sans trouver le fardeau trop pesant, avec cette bénignité chrétienne qui tempérait l’éclat de son infortune, comme elle adoucit l’éclat de sa prospérité.

« Les bienfaits de Charles X s’accroissent de tous les bienfaits dont nous ont comblés ses aïeux : la fête d’un roi très chrétien est pour les Français la fête de la reconnaissance : livrons-nous donc aux transports de gratitude qu’elle doit nous inspirer. Ne laissons pénétrer dans notre âme rien qui puisse un moment rendre notre joie moins pure ! Malheur aux hommes. . . . .  ! Nous allions violer la trêve ! Vive le roi ![1] »

Mes yeux se sont remplis de larmes en copiant cette page de ma polémique, et je n’ai plus le courage d’en continuer les extraits. Oh ! mon roi ! vous que j’avais vu sur la terre étrangère, je vous ai revu sur cette même terre où vous alliez mourir ! Quand je combat-

  1. Article du 3 novembre 1825. — Tome xxvi, p. 501.