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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

fut généralement bien accueilli ; mais une ou deux compagnies de la 6e légion crièrent : « À bas les ministres ! à bas les jésuites ! » Charles X offensé répliqua : « Je suis venu ici pour recevoir des hommages, non des leçons. » Il avait souvent à la bouche de nobles paroles que ne soutenait pas toujours la vigueur de l’action : son esprit était hardi, son caractère timide. Charles X, en rentrant au château, dit au maréchal Oudinot : « L’effet total a été satisfaisant. S’il y a quelques brouillons, la masse de la garde nationale est bonne : témoignez-lui ma satisfaction[1]. » M. de Villèle arriva. Des légions à leur retour avaient passé devant l’hôtel des finances et crié : À bas Villèle ! Le ministre, irrité par toutes les attaques précédentes, n’était plus à l’abri des mouvements d’une froide colère ; il proposa au conseil de licencier la garde nationale. Il fut appuyé de MM. de Corbière, de Peyronnet, de Damas et de Clermont-Tonnerre, combattu par M. de Chabrol, l’évêque d’Hermopolis et le duc de Doudeauville. Une ordonnance du roi prononça le licenciement[2], coup le plus funeste porté à la monarchie avant le dernier coup des journées de Juillet : si à ce moment la garde nationale ne se fût pas trouvée dissoute, les barricades n’auraient pas eu lieu. M. le duc de Doudeauville donna sa démission[3] ; il écrivit au roi une lettre

  1. Le récit de Chateaubriand est pleinement confirmé par les Souvenirs inédits de la Duchesse de Reggio. Voir le Maréchal Oudinot, duc de Reggio, p. 466. — 1894.
  2. L’ordonnance de licenciement, signée par le roi le soir même de la revue, figure en première ligne dans le Moniteur du 30 avril.
  3. Le duc de La Rochefoucauld-Doudeauville était, depuis 1824, ministre de la maison du roi. M. de Chabrol, ministre de