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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

chez madame Récamier, dit-il à son frère, dis-lui que je suis innocent devant Dieu… elle comprendra ce témoignage… » et Coudert fut sauvé. Madame Récamier, associa à son action libérale cet homme qui possède en même temps le talent et la bonté : M. Ballanche seconda ses démarches, et l’échafaud dévora une victime de moins.

« C’était presque une merveille présentée à l’étude de l’esprit humain que cette petite cellule dans laquelle une femme, dont la réputation est plus qu’européenne, était venue chercher du repos et un asile convenable. Le monde est ordinairement oublieux de ceux qui ne le convient plus à leurs festins ; il ne le fut pas pour celle qui, jadis, au milieu de ses joies, écoutait encore plus une plainte que l’accent du plaisir. Non-seulement la petite

    condamnés à la peine de mort, le lieutenant Delon, chef du complot, contumace, et les deux maréchaux des logis Charles Coudert et Sirejean. Ils se pourvurent en révision, et dans l’intervalle qui sépara les deux jugements, les familles des condamnés essayèrent quelques démarches. Coudert fut le premier pour lequel on eut la pensée d’invoquer l’assistance de Mme Récamier. Dès le commencement de mars, M. Eugène Coudert, frère aîné du sous-officier compromis, se présenta à l’Abbaye-aux-Bois sans autre recommandation que le malheur de son frère Charles. Mme Récamier, émue de la plus sincère pitié, la fit partager à tous ses amis et usa de leur crédit pour obtenir en faveur du condamné l’indulgence du conseil de révision. Ces efforts furent couronnés de succès : le 18 avril, le conseil, cassant l’arrêt des premiers juges, condamna simplement Coudert à cinq ans de prison comme non révélateur. Souvenirs et Correspondance tirés des papiers de Mme Récamier, t. I, p. 373. — La note de Chateaubriand disant que Coudert « était compromis dans l’affaire de Bories » est inexacte. L’affaire de Bories est celle des Quatre sergents de la Rochelle, qui fut jugée par la Cour d’assises de la Seine au mois d’août 1822.