Aller au contenu

Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t4.djvu/501

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
485
MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

de Chateaubriand, et c’est à lui bien évidemment qu’elle a charge de le remettre. Tout ceci, du reste, est mis hors de doute par une autre lettre du comte de Maistre, écrite de Turin, le 26 octobre 1817, et adressée à Mme Swetchine : « Quand une fois, dit-il, vous serez placée, envoyez-moi le plan de votre cabinet, que je voie votre table, votre fauteuil et la place de vos livres. Je fais ce que je puis pour en ajouter deux à votre pacotille, mais je suis prodigieusement contrarié par ceci ou par cela. Si je réussis, ce sera un beau tapage. La duchesse de Duras avait tranquillement oublié l’œuvre sur son bureau sans y penser une seule fois, pas plus qu’à son auteur ; lorsque M. de Chateaubriand m’en a fait part dernièrement avec toutes les excuses de la courtoisie, je me suis mis à rire de la meilleure foi du monde. La duchesse de Duras a fort bien fait de m’oublier ; moi-même je n’ai jamais pensé à elle que pour me rappeler à quel point j’avais mal réussi dans cet hôtel. Je m’y trouvais gauche, embarrassé, ridicule, ne sachant à qui parler, et ne comprenant personne. C’est une des plus singulières expériences que j’aie faites de ma vie ; il me semble que je vous l’ai dit à Paris…[1] ».

La preuve est déjà faite, si je ne me trompe, que c’est bien au vicomte de Chateaubriand — et non au vicomte de Bonald — qu’a été écrite la lettre de Joseph de Maistre publiée dans sa Correspondance. Mais continuons de parcourir cette lettre :

Je me sens glacé lorsque je lis dans votre lettre : Je vais lire votre manuscrit. Bon Dieu ! auriez-vous cette complaisance ? La lecture d’un manuscrit m’a toujours paru le tour de force de l’amitié ; c’est trop demander à la courtoisie ; si cependant vous avez cette bonté, rien n’égalera ma reconnaissance…

« Je vais lire votre manuscrit, » dit Chateaubriand. — « Je lis dans votre lettre : Je vais lire votre manuscrit, » écrit, de son côté, Joseph de Maistre. Comment expliquer

  1. Vie de Madame Swetchine par le comte de Falloux, p. 212.