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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

puis saisissant le duc de Lévis par un bouton de son spencer : « Allez, monsieur le duc, allez dire comme on me traite ! J’ai remis la couronne sur la tête du roi (il en revenait toujours à cette couronne), et je m’en vais en Allemagne commencer la nouvelle émigration. »

M. de Lévis écoutant en distraction, se haussant sur la pointe du pied, dit : « Prince, je pars, il faut qu’il y ait au moins un grand seigneur avec le roi. »

M. de Lévis se jeta dans une carriole de louage qui portait le chancelier de France : les deux grandeurs de la monarchie capétienne s’en allèrent côte à côte la rejoindre, à moitié frais, dans une benne mérovingienne.

J’avais prié M. de Duras de travailler à la réconciliation et de m’en donner les premières nouvelles. « Quoi ! m’avait dit M. de Duras, vous restez après ce que vous a dit le roi ? » M. de Blacas, en partant de Mons de son côté, me remercia de l’intérêt que je lui avais montré.

Je retrouvai M. de Talleyrand embarrassé ; il en était au regret de n’avoir pas suivi mon conseil, et d’avoir, comme un sous-lieutenant mauvaise tête, refusé d’aller le soir chez le roi ; il craignait que des arrangements eussent lieu sans lui, qu’il ne pût participer à la puissance politique et profiter des tripotages d’argent qui se préparaient. Je lui dis que, bien que je différasse de son opinion, je ne lui en restais pas moins attaché, comme un ambassadeur à son ministre ; qu’au surplus j’avais des amis auprès du roi, et que j’espérais bientôt apprendre quelque chose