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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

« Bologne me semble moins désert qu’à l’époque de mon premier voyage. J’y ai été reçu avec les honneurs dont on assomme les ambassadeurs. J’ai visité un beau cimetière : je n’oublie jamais les morts ; c’est notre famille.

« Je n’avais jamais si bien admiré les Carrache qu’à la nouvelle galerie de Bologne. J’ai cru voir la sainte Cécile de Raphaël pour la première fois, tant elle était plus divine qu’au Louvre, sous notre ciel barbouillé de suie. »


« Ravenne, 1er  octobre 1828.

« Dans la Romagne, pays que je ne connaissais pas, une multitude de villes, avec leurs maisons enduites d’une chaux de marbre, sont perchées sur le haut de diverses petites montagnes, comme des compagnies de pigeons blancs. Chacune de ces villes offre quelques chefs-d’œuvre des arts modernes ou quelques monuments de l’antiquité. Ce canton de l’Italie renferme toute l’histoire romaine ; il faudrait le parcourir Tite-Live, Tacite et Suétone à la main.

« J’ai traversé Imola, évêché de Pie VII, et Faenza. À Forli je me suis détourné de ma route pour visiter à Ravenne le tombeau de Dante. En approchant du monument, j’ai été saisi de ce frisson d’admiration que donne une grande renommée, quand le maître de cette renommée a été malheureux. Alfieri, qui

    fut alors proclamé duc sous la régence de sa mère Louise-Marie-Thérèse de Bourbon, fille du duc de Berry et sœur du comte de Chambord ; il fut renversé en 1860, et le duché fut annexé au royaume d’Italie, dont il forme aujourd’hui une province.