sait un mot à chacun. Elle me parla plusieurs fois, en affectant de me nommer pour me faire connaître ; mais, entre chaque phrase, elle retombait dans une distraction. Son aiguille multipliait ses mouvements, son visage se rapprochait de sa broderie ; j’apercevais la princesse de profil, et je fus frappé d’une ressemblance sinistre : Madame a pris l’air de son père ; quand je voyais sa tête baissée comme sous le glaive de la douleur, je croyais voir celle de Louis XVI attendant la chute du glaive.
À huit heures et demie, la soirée finit ; je me couchai accablé de sommeil et de lassitude.
Le vendredi, trente-et-un de mai[1], j’étais debout à cinq heures ; à six, je me rendis au Mühlenbad (bain du moulin) : les buveurs et les buveuses se pressaient autour de la fontaine, se promenaient sous la galerie de bois à colonnes, ou dans le jardin attenant à cette galerie. Madame la dauphine arriva, vêtue d’une mesquine robe de soie grise ; elle portait sur ses épaules un châle usé et sur sa tête un vieux chapeau. Elle avait l’air d’avoir raccommodé ses vêtements, comme sa mère à la Conciergerie. M. O’Hégerty, son écuyer, lui donnait le bras. Elle se mêla à la foule et présenta sa tasse aux femmes qui puisent l’eau de la source. Personne ne faisait attention à madame la comtesse de Marnes[2]. Marie-Thérèse, sa grand’mère, bâtit en 1762 la maison dite du Mühlenbad : elle octroya aussi