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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

je m’enquérais avait lieu à l’occasion d’un prêtre nouvellement promu aux ordres sacrés ; il devait dire le lendemain sa première messe. Combien de fois ces cloches, qui proclament aujourd’hui l’union indissoluble d’un homme avec Dieu, appelleront-elles cet homme au sanctuaire, et à quelle heure ces mêmes cloches sonneront-elles sur son cercueil ?

22 septembre.

Je dormis presque toute la nuit, au bruit des torrents, et je me réveillai au jour, le 22, parmi les montagnes. Les vallées de la Carinthie sont agréables, mais n’ont rien de caractéristique : point de costume parmi les paysans ; quelques femmes portent des fourrures comme les Hongroises ; d’autres ont la tête couverte de coiffes blanches mises en arrière, ou de bonnets de laine bleue renflés en bourrelet sur le bord, tenant le milieu entre le turban de l’Osmanli et la calotte à bouton du Talapoin.

Je changeai de chevaux à Villach. En sortant de cette station, je suivis une large vallée au bord de la Drave, nouvelle connaissance pour moi : à force de passer les rivières, je trouverai enfin mon dernier rivage. Lander[1] vient de découvrir l’embouchure du Niger ; le hardi voyageur a rendu ses jours à l’éternité au moment où il nous apprenait que le fleuve mystérieux de l’Afrique verse ses ondes à l’Océan.

  1. Richard Lander, voyageur anglais (1804-1834), a fait plusieurs voyages de découvertes à travers l’Afrique, en 1827, 1830 et 1832. Lors de sa dernière expédition dans une petite île formée par le Niger, il fut assailli par les indigènes et reçut un coup de hache, des suites duquel il mourut à Fernando-Po.