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Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t6.djvu/425

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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

À la fin du mois d’octobre[1], madame Sand me fit passer son nouveau roman, Jacques : j’acceptai le présent.

« 30 octobre 1834.

« Je m’empresse, madame, de vous offrir mes remercîments sincères. Je vais lire Jacques dans la forêt de Fontainebleau ou au bord de la mer. Plus jeune, je serais moins brave ; mais les années me défendront contre la solitude, sans rien ôter à l’admiration passionnée que je professe pour votre talent et que je ne cache à personne. Vous avez, madame, attaché un nouveau prestige à cette ville des songes d’où je partis autrefois pour la Grèce avec tout un monde d’illusions : revenu au point de départ, René a promené dernièrement au Lido ses regrets et ses souvenirs, entre Childe Harold qui s’était retiré, et Lélia prête à paraître.

« Chateaubriand. »

Madame Sand possède un talent de premier ordre ; ses descriptions ont la vérité de celles de Rousseau dans ses Rêveries[2], et de Bernardin de Saint-Pierre dans ses Études. Son style franc n’est entaché d’aucun des défauts du jour. Lélia, pénible à lire, et qui n’offre pas quelques-unes des scènes délicieuses d’Indiana et de Valentine[3], est néanmoins un chef-d’œuvre dans son genre : de la nature de l’orgie, il est

  1. Octobre 1834.
  2. Rêveries du promeneur solitaire.
  3. Indiana, le premier roman de George Sand, avait paru au mois de septembre 1832. Deux mois après paraissait Valentine.