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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

avez dû vous-même, monsieur le vicomte, être étonné de la brièveté et de la sécheresse des remercîments qui vous ont été officiellement faits dans cette circonstance. Je crois vous en expliquer la véritable cause ; je suis sûr que si j’avais été dans le cas d’annoncer ici que nous allions donner une flotte au roi d’Espagne, de l’argent et des soldats, pour aller reconquérir l’autre hémisphère, ou bien encore que vous aviez fermé vos ports aux vaisseaux brésiliens, on vous aurait témoigné bien plus de satisfaction qu’on ne l’a fait en apprenant que nous étions prêts à prendre fait et cause pour la Russie dans une question que nous regardions comme liée à ses plus chers intérêts politiques.

« Dans cet état de choses, je pense que vous approuverez que je ne me mette pas plus en avant que je ne l’ai fait. Si la Russie veut agir, elle sait qu’elle peut compter sur nous ; mais pour cela il faut attendre qu’elle s’explique plus clairement. Si au contraire, comme tout peut le faire croire, on joue une comédie, je veux au moins laisser entrevoir que je suis dans la confidence, et ne pas trop légèrement accepter le rôle d’innocent dont mon collègue d’Autriche aimerait fort à me voir me charger,

« Ce qui me paraît certain, monsieur le vicomte, c’est que les Grecs eux-mêmes ne paraissent pas plus ambitieux aujourd’hui de la protection de la Russie qu’elle-même ne semble disposée à la leur accorder ; les liens de la religion attachent peut-être encore les basses classes au chef suprême de leur Église ; mais les gens éclairés de la nation, indi-