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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

l’Autriche un traité d’alliance offensive et défensive. Les puissances contractantes s’engageaient à agir de concert pour effectuer les arrangements pris dans le traité de Paris, et à se regarder toutes trois comme solidaires si les possessions de l’une d’elles venaient à être attaquées. Si l’une des trois se voyait menacée, les deux autres interviendraient d’abord amicalement ; si cette intervention amicale restait insuffisante, l’apport militaire de chacun des coalisés serait de cent cinquante mille hommes. La paix ne serait conclue que d’un commun accord. Les trois puissances se réservaient d’inviter d’autres États à s’unir à elles. Ce traité devrait être ratifié dans le délai de six semaines ; deux articles supplémentaires portaient ce qui suit : « Les souverains de Bavière, de Wurtemberg et des Pays-Bas seront invités à accéder au traité ci-dessus. Les conventions de ce jour ne devront être communiquées par aucune des puissances signataires sans le consentement de toutes les autres. »

Je sais bien qu’aux yeux de M. Pasquier ce traité est un acte déplorable et, de la part du plénipotentiaire français, une faute, presque un crime. Après les Cent-Jours, il est vrai que le traité du 6 janvier, alors porté à la connaissance d’Alexandre, l’indisposa contre nous. Cela est fâcheux sans doute, mais pour juger équitablement l’acte du 6 janvier 1815, c’est à la date même de sa signature qu’il convient de se reporter.

À cette date, la France est encore saignante de ses blessures. Il semble qu’elle ne compte plus en Europe, qu’elle n’y tient plus d’autre place que celle que les puissances coalisées veulent bien lui mesurer. Et voilà qu’en moins de huit mois elle s’est relevée au point qu’elle exerce sur les affaires de l’Europe une influence considérable. Hier encore, la coalition européenne la menaçait. Aujourd’hui cette coalition n’existe plus ; elle a fait place à une autre, et celle-ci, bien loin d’être dirigée contre la