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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

dauphin. Je le trouvai vieilli et amaigri ; il était vêtu d’un habit bleu râpé, boutonné jusqu’au menton et qui, trop large, semblait acheté à la friperie : le pauvre prince me fit une extrême pitié.

M. le dauphin a du courage ; son obéissance à Charles X l’a seule empêché de se montrer à Saint-Cloud et à Rambouillet tel qu’il s’était montré à Chiclana : sa sauvagerie en est augmentée. Il supporte avec peine la vue d’un nouveau visage. Il dit souvent au duc de Guiche : « Pourquoi êtes-vous ici ? Je n’ai besoin de personne. Il n’y a pas de trou de souris assez petit pour me cacher. »

    rope. Il servit en Portugal et en Espagne dans l’armée de Wellington. À la suite de la bataille de Vitoria, il pénétra en France, se mit en relations avec les royalistes du Midi et fut dépêché par eux auprès de Louis XVIII, en Angleterre, pour lui demander un prince de son sang qui pût être placé à la tête du mouvement que l’on organisait. Il réussit dans sa mission et revint à Bordeaux, précédant de quelques jours dans cette ville le duc d’Angoulême. Jusqu’à cette époque, il n’avait été connu que sous son nom de comte de Gramont. Par ordre de Louis XVIII, il prit, en rentrant en France, le nom et le titre de duc de Guiche, qui avaient été autrefois portés dans la famille par les fils aînés. Le duc de Guiche devint, à la Restauration, premier écuyer du duc d’Angoulême, fit sous ses ordres, la campagne du Midi pendant les Cent-Jours, et plus tard, en 1823, la campagne d’Espagne. Au mois d’août 1830, il accompagna la famille royale de Rambouillet à Cherbourg, d’où il fut renvoyé à Paris pour mettre ordre aux affaires personnelles du duc d’Angoulême. Cette mission terminée, il alla, avec toute sa famille, rejoindre ce prince à Édimbourg, et il le suivit ensuite à Prague. Le duc de Guiche rentra en France à la fin de 1833, et, à la mort de son père (28 août 1S36), prit le titre et le nom de duc de Gramont. — L’un de ses fils (Antoine-Agénor-Alfred, prince de Bidache, duc de Guiche, puis duc de Gramont) a été, sous le second Empire, ambassadeur à Turin, à Rome et à Vienne, puis, du 15 mai au 9 août 1870, ministre des affaires étrangères.