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Page:Chateaubriand - Oeuvres de Lucile de.djvu/37

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lucile de chateaubriand

juillet 1789. Ils descendirent dans un hôtel garni de la rue de Richelieu.

Le 22 juillet 1789, ils étaient tous trois, avec quelques Bretons, aux fenêtres de leur hôtel. Ils entendent crier : « Fermez les portes ! fermez les portes ! » Un groupe de déguenillés arrivait par un bout de la rue ; du milieu du groupe s’élevait ce qu’ils prirent d’abord pour deux étendards. Mais lorsque la troupe fut devant eux, ils virent que c’étaient deux têtes échevelées et défigurées, que les devanciers de Marat portaient chacune au bout d’une pique. C’étaient celles de Foulon et de Bertier. « Tout le monde se retira des fenêtres, dit Chateaubriand, j’y restai. Les assassins s’arrêtèrent devant moi, me tendirent les piques en chantant, en faisant des gambades, en sautant pour approcher de mon visage les pâles effigies. L’œil d’une de ces têtes, sorti de son orbite, descendait sur le visage obscur du mort ; la pique traversait la bouche ouverte, dont les dents mordaient le fer : « Brigands, m’écriai-je plein d’une indignation que je ne pus contenir, est-ce comme cela que vous entendez la liberté ? » Si j’avais eu un fusil, j’aurais tiré sur ces misérables comme sur des loups. Ils poussèrent des hurlements, frappèrent à coups redoublés à la porte cochère pour l’enfoncer et joindre ma tête à celles de leurs victimes. Mes sœurs se trouvèrent mal ; les poltrons