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VIE DE RANCÉ

bord de la forêt de Sénart, s’établirent sous la conduite de ma cousine, madame de Chateaubriand. Les enfants de Rancé ne trouvèrent en rentrant dans la solitude de leur père que des murailles recouvertes de lierre, et des débris à travers lesquels serpentaient les ronces. Telle fut dès son début la vigueur de l’arbre que Rancé avait planté qu’il continue de vivre ; il donnera de l’ombre aux pauvres quand il n’y aura plus d’ombre de trônes ici-bas. J’ai vu à la Trappe un ormeau du temps de Rancé : les religieux ont grand soin de ce vieux lare qui indique les cendres paternelles mieux que la statue de Charles II n’indique l’immolation de Charles Ier.

Les moines dont je viens de tracer l’histoire avaient été les enfants de Rancé. Lorsqu’il arriva à la Trappe, un de ses premiers soins fut de faire abattre une fuie, cellules de colombes, qui se trouvait placée au milieu de la cour, soit qu’il voulût abolir jusqu’au souvenir des temps d’une abstinence moins rigoureuse, soit qu’il craignît ces oiseaux que la Fable plaçait parmi ses plus beaux ornements et dont les ailes portaient des messages le long des rivages de l’Orient. Un trappiste se confessait d’avoir regardé un nid : se reprochait-il d’avoir pensé à un nid ou à des ailes ?