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LIVRE TROISIÈME

M. de Rancé fit détourner un grand chemin qui passait contre les murs de l’abbaye, le bruit de ce chemin renouvelé descend encore aujourd’hui au fond de la vallée. Tout chef qu’il était, Rancé ne s’accorda aucune des préférences de ses devanciers, il se contentait de la pitance commune ; privé comme ses moines de l’usage du linge, il prêchait et confessait ses frères ; ses seules distractions étaient les paroles qu’il recueillait sur le lit de cendres. Il fortifiait ses pénitents plutôt qu’il ne les attendrissait. Il n’était question dans ses discours que de l’échelle de saint Jean Climaque, des ascétiques de saint Basile et des conférences de Cassien.

Les cinq ou six premières années de la retraite de Rancé se passèrent obscurément : les ouvriers travaillaient sous terre aux fondements de l’édifice. Rancé recevait sans distinction tous les religieux qui se présentaient. Le premier qui parut fut, en 1667, dom Rigobert, moine de Clairvaux ; ensuite dom Jacques et le père Le Nain. Ces réceptions commencèrent à faire des ennemis à Rancé. Cela nous paraît bien peu grave, à nous qui n’attachons de prix qu’aux guenilles de notre vie, mais alors c’étaient des affaires : Rome survenait, le grand conseil du roi s’en mêlait. Obligé