Page:Chateaubriand - Vie de Rancé, 2è édition, 1844.djvu/174

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
158
VIE DE RANCÉ

brave parmi les braves ; le cardinal de Richelieu se reposait sur lui de sa sûreté : c’était un lion plutôt qu’un homme. Le feu lui sortait par les yeux, et son seul regard effrayait ceux qui le regardaient. Dieu se servit d’un malheur pour toucher d’une crainte salutaire son âme féroce et incapable de toute autre peur. Comme il avait eu une querelle avec un parent du cardinal, il eut plus de huit jours un cheval toujours sellé et prêt à monter pour aller se battre contre celui dont il croyait avoir été offensé. La fureur qui le transportait était telle, qu’encore qu’il fût le plus habile et le plus adroit du royaume, il reçut, après avoir blessé à mort son ennemi, un coup d’épée dans le bras, entre les deux os ; la pointe demeura enfoncée sans qu’il pût jamais la retirer. Il se sauva en cet état à travers champs, portant dans son bras le bout de l’épée rompue. Il alla trouver un maréchal, qui eut besoin pour la retirer de se servir des grosses tenailles de sa forge.

À la Trappe passe Forbin de Janson, obligé de quitter la France pour avoir tué son adversaire en duel : il obtint ensuite sa grâce. Il se trouva à Marsaille, sous Catinat, reçut une blessure, fit vœu de se faire religieux et reçut l’habit des frères de la Trappe. Il fut envoyé au monastère de