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VIE DE RANCÉ

tilhomme plein d’esprit, qui avait passé ses premiers jours à ne point penser. Rancé, qui tirait parti de l’innocence comme du repentir, a écrit sa vie, de même qu’un jardinier fait une petite croix sur des paquets de graines pour étiqueter un parfum.

M. Sainte-Beuve a extrait avec la patience du goût les passages de Port Royal, que je viens de citer ; il ajoute : « C’est le côté par lequel Port-Royal touche à la Trappe et à M. de Rancé, quand, sous les autres aspects, il paraît toucher plus près aux bénédictins de Saint-Maur et à Mabillon ; quand, par M. d’Andilly, il reste un peu à portée de la cour et presque figurant de loin ces riantes et romanesques retraites, imaginées en idée par mademoiselle de Montpensier, par madame de Motteville ou même par mademoiselle de Scudéri. »

La Trappe n’était pas riante ; ses sites étaient désolés, et l’âpreté de ses mœurs se répétait dans l’âpreté du paysage. Mais la Trappe resta orthodoxe, et Port-Royal fut envahi par la liberté de l’esprit humain. Le terrible Pascal, hanté par son esprit géométrique, doutait sans cesse : il ne se tira de son malheur qu’en se précipitant dans la foi. Malgré le silence que la Trappe gardait, il