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VIE DE RANCÉ

ment renversé que le grand mât touchait presque à l’eau. Alors tous se crurent perdus, nonobstant leurs efforts. Pendant ce temps-là, les sages et obligeantes promesses que notre saint abbé m’avait fait de faire des prières particulières pour moi me revinrent si vivement dans la pensée, qu’elles me causèrent une confiance extraordinaire ; et dans mes prières j’avais une idée si forte de ce saint homme qu’il me semblait le voir et sentir qu’il fortifiait l’espérance que j’avais d’aborder à la Chine : ce qui me faisait dire à mon confrère qu’il eût bon courage, et qu’avec le secours de Notre-Seigneur et les prières du saint abbé de La Trappe nous arriverions. Tout à coup le navire retourna dans son assiette, à la faveur de la marée, sans avoir fait aucune perte. »

Le P. Chaumont appartenait à ces grandes missions des jésuites de la Chine qui pensèrent nous ouvrir la route de Nankin.

Ainsi les mers et les naufrages entrent à La Trappe, comme le siècle de Louis XIV y était entré, par des bois où l’on entend à peine un son. La manière dont les hommes de ce temps voyaient le monde ne ressemblait pas à celle dont nous l’apercevons aujourd’hui. Il ne s’agissait jamais