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LIVRE QUATRIÈME

la retraite est sonnée, que de ne se pas lever aussitôt qu’on entend la cloche du réveil. »

À ces fatigues du corps Rancé joignait celles de l’esprit, ressentant dans son âme toutes les peines et toutes les tentations de ses enfants, leurs faiblesses et leurs misères ; et, comme un autre saint Paul, se faisant tout à tous, il les portait dans ses entrailles ; il était triste avec ceux qui l’étaient, malade avec les malades, se chargeant, par le pur effet de sa charité, de tous leurs maux corporels et spirituels.

Ses amis lui représentaient qu’il prenait trop de peine pour un monastère qui ne subsisterait pas ; il répondait : « La Trappe aura la durée qu’elle doit avoir selon les déterminations éternelles. Si l’on s’était conduit dans les âges supérieurs par cette considération qu’il n’y a rien qui ne change, on se serait tenu dans l’inaction, le champ de Jésus-Christ serait un désert stérile privé de tous ces grands ouvrages qui en font l’ornement et la beauté. Dieu se moque de la diligence des hommes qui prennent tant de peine pour conserver leur vie à la veille de leur mort. »

Le serviteur de Dieu fut exposé aux épreuves dont les histoires de ces temps nous parlent ; histoires qu’on retrouve dans tous les monastères et