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Page:Chateaubriand - Vie de Rancé, 2è édition, 1844.djvu/262

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VIE DE RANCÉ

que Rancé avait souvent rappelées dans les Vies particulières de quelques-uns de ses religieux. Un jeune possédé avait déclaré que des légions de démons assiégeaient la Trappe. On croyait qu’il n’y avait point de solitude vide ; on habitait au milieu d’un monde d’esprits ; mais ces esprits avaient leur domicile dans les cloîtres : le merveilleux achevait d’agrandir la poésie. Rancé oyait des bruits aigres et perçants ; ses moines lui racontaient qu’ils éprouvaient, la nuit, les secousses d’une force étrangère. On entendait dans les dortoirs des tintamarres affreux, comme des personnes qui se battaient ; on frappait aux portes des cellules, ou bien il semblait qu’un homme marchât seul à grands pas ; une main de fer passait et repassait sur le chevet des lits.

Faut-il attribuer ces effets aux tempêtes de la nuit dans les désolations de la Trappe, ou aux illusions de l’astrologie que dom Le Nain reprochait à Rancé ? Étaient-ce des gestes de cette femme que le Père de la Trappe avait vue à Véretz au milieu des flammes, ou enfin était-ce le ressac des flots du temps contre le rivage de l’éternité ? Rancé se préparait à exorciser la maison ; mais vers la fin de l’année 1683 les bruits cessèrent.

Les soucis intérieurs de la communauté n’em-