Aller au contenu

Page:Chateaubriand - Vie de Rancé, 2è édition, 1844.djvu/283

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
267
LIVRE TROISIÈME

la Trappe avec le maréchal de Bellefonds, introducteur aux ruines ; il avait vu du rivage le combat de La Hogue. La Trappe méprisait le monde et contemplait des chutes d’empire qui justifiaient son mépris. On venait chercher dans cet abri des raisons d’aimer le désert.

« Le roi d’Angleterre, dit Rancé, soutint la perte de trois royaumes avec une constance comparable à tout ce que nous lisons de plus grand dans les histoires. Il parle de ses ennemis sans chaleur ; il garde une douceur dans toute sa conduite, qui ferait croire qu’il est dans le monde sans peine et sans affliction. La reine n’a point de sentiments qui ne soient conformes à ceux du roi son époux. Elle ne voit ce qu’on appelle les biens de ce monde que comme des lueurs qui ne font que passer et qui trompent ceux qui s’y arrêtent. »

Jacques II était un pauvre souverain ; mais Rancé prenait point de vue du ciel : qu’un homme soit rédimé au prix des plus grands malheurs, son rachat vaut mieux que tous ces malheurs ; qu’une révolution renverse un État ou en change la face, vous croyez qu’il s’agit des destinées du monde ? Pas du tout : c’est un particulier, et peut-être le particulier le plus obscur, que Dieu a voulu sauver : tel est le prix d’une âme chré-