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VIE DE RANCÉ

tienne. Si des États sont bouleversés, c’est, dit l’apôtre, afin que les élus éprouvés parviennent à la gloire. Tout est pour les prédestinés, tout est subordonné à leur consommation ; et quand leur nombre sera rempli, on verra de nouveaux cieux et une nouvelle terre.

Telle est la fatalité chrétienne : la fatalité antique vient de l’objet extérieur, la fatalité chrétienne vient de l’homme ; je veux dire que le chrétien crée la nécessité par sa vertu ; il ne détruit pas le mal ; il en est le maître.

On gardait à la Trappe les portraits de Sa Majesté britannique ; il était conservé là dans son écrin d’oubli. Dans sa jeunesse, Charles X vint apprendre à la Trappe la pénitence de Jacques II. La Trappe elle-même s’ensevelit sous ses ruines, puis elle a été déblayée ; mais que sert, après un demi-siècle, de relever un vaisseau naufragé, quand ceux qui l’avaient chargé de leur fortune et de leurs espérances ne sont plus ? Pendant ces jours de submersion que d’autres grandeurs ont disparu ! on ne s’arrête plus pour écouter les échos des vieux malheurs.

Dans une lettre qui ne parvint à la Trappe qu’après la mort de Rancé, lord Perth mandait à l’abbé que Jacques avait dit avant d’expirer : « Je n’ai rien quitté ; j’étais un grand pécheur : la pros-