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LIVRE TROISIÈME

élégances de l’expression d’un poète qui est femme.

Depuis long-temps malade à l’infirmerie, les derniers moments de Rancé approchaient. Il n’y avait personne pour porter la main sur le cœur de ce christ. Lorsque Jésus pria son Père d’éloigner de lui le calice, qui tenait son doigt sur le pouls du Fils de l’Homme, pour savoir si des larmes sanglantes venaient de la faiblesse humaine ou de l’épanouissement d’un cœur qui se fendait de charité ?

Les religieux se pressaient à sa porte ; il dicta une lettre dont le père abbé Jacques de La Cour leur fit lecture : « Dieu, disait-il, connaît seul mes forces et la joie que j’aurais de vous voir ; cependant, quoique ce sentiment soit de mon cœur plus que jamais, je suis contraint de vous dire que, dans l’état où je me trouve, il m’est impossible de satisfaire à cette joie autant que je le voudrais. Priez pour moi, mes frères ; demandez à Dieu que si je vous suis encore bon à quelque chose, il me rende à la santé, sinon qu’il me retire de ce monde. »

On envoya chercher l’évêque de Séez, l’ami et le confesseur de Rancé. Rancé témoigna beaucoup de joie en l’apercevant ; il saisit la main du prélat, la porta à son front pour commencer le signe