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VIE DE RANCÉ

frère de le mettre à genoux pour recevoir la bénédiction de son évêque, il fit une confession générale. L’évêque de Séez, dans son récit, qui est conservé, dit qu’il avait connu dans cette occasion plus qu’en aucune autre que ce grand homme avait reçu de Dieu un esprit élevé, vif, pénétrant, une âme simple et d’une candeur admirable.

Plus Rancé s’était avancé vers le terme, plus il était devenu serein, son âme répandait sa clarté sur son visage : l’aube s’échappait de la nuit. On présenta le crucifix au mourant ; il s’écria : « Ô éternité ! quel bonheur ! » et il embrassa le signe du salut avec la plus vive tendresse ; il baisa la tête de mort qui était au pied de la croix. En remettant cette croix à un moine, il remarqua que celui-ci ne l’imitait pas, il dit : « Pourquoi ne baisez-vous pas la tête de mort ? c’est elle que finit notre exil et notre misère. » Rancé se souvenait-il de la relique que la tradition disait être placée auprès de lui ? Dans les âges les plus fervents, les chrétiens pratiquaient encore quelques rites du culte des faux dieux.

Le lit de cendres était préparé ; Rancé le regarda tranquille avec une sorte d’amour, puis il s’aida lui-même à se coucher sur le lit d’honneur ; l’évêque de Séez dit : « Monsieur, ne demandez-vous