Page:Chateaubriand - Vie de Rancé, 2è édition, 1844.djvu/44

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
28
VIE DE RANCÉ

deux paniers. Jadis Henri III aimait à surprendre ces compagnies retirées, et s’asseyait au milieu d’elles sur un bahut.

Sociétés depuis long-temps évanouies, combien d’autres vous ont succédé ! les danses s’établissent sur la poussière des morts, et les tombeaux poussent sous les pas de la joie. Nous rions et nous chantons sur les lieux arrosés du sang de nos amis. Où sont aujourd’hui les maux d’hier ? Où seront demain les félicités d’aujourd’hui ? Quelle importance pourrions-nous attacher aux choses de ce monde ? L’amitié ? Elle disparaît quand celui qui est aimé tombe dans le malheur, ou quand celui qui aime devient puissant. L’amour ? Il est trompé, fugitif ou coupable. La renommée ? Vous la partagez avec la médiocrité ou le crime. La fortune ? Pourrait-on compter comme un bien cette frivolité ? Restent ces jours, dits heureux, qui coulent ignorés dans l’obscurité des soins domestiques, et qui ne laissent à l’homme ni l’envie de perdre ni de recommencer la vie.

Rancé avait l’entrée des salons que je viens de peindre par ses amis de la Fronde, personnages dont nous le verrons porter les lettres de recommandation à Rome. Le cardinal de Retz le logea chez lui près du Vatican. Champvallon, archevê-