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Les Funérailles de Moïse.


De Nébos près de la montagne
De ce côté-ci du Jourdain,
Du pays de Moab, seul, parmi la campagne,
Gît solitaire un tombeau souterrain.
Ce sépulchre isolé ne le creusa nul homme,
Nul homme ne le vit jamais,
Les Anges, on le lit dans le Deutéronome,
Firent le lit du mort—l’y couchèrent en paix.

Sous plus illustres funérailles
Sous plus magnifique convoi,
La terre ne sentit tressaillir ses entrailles,
Non plus son sein battre de plus d’émoi.
Mais la procession ne la vit aucun homme ;
Sans bruit tout ce convoi se fit,
Comme lorsque le jour s’éveille de son somme,
Et que sur l’océan le grand soleil surgit.

Sans bruit, ainsi que la nature
Rajeunie à chaque printemps,
Donne la clé des champs à la fraîche verdure,
À l’arbre en fleurs, aux bourgeons renaissants ;
Ainsi sans bruit aucun, sans un son de musique,
Glissa silencieusement
Cette procession du mont mélancolique
Jusqu’au profond du sol lentement, lentement.

Le vieil Aigle chauve sans doute,
Des hauteurs du gris Beth-péor,
Lui qui domine tout, qui tout voit, tout écoute,
Vit ce spectacle et s’en souvient encor :
Sans doute le Lion quand il court au carnage,
Évite passer en ce lieu,
Car le sublime oiseau, car l’animal sauvage
Bien qu’ignoré de l’homme ont vu l’œuvre de Dieu.