Page:Chatelain - Beautés de la poésie anglaise, tome 1, 1860.djvu/80

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Heureux celui qui pour son apanage
Possède pour tout bien
Rien !
Car Rien c’est le trésor du sage.
Aucun souci ne vient troubler ses nuits jamais,
Sans crainte il se met en voyage,
Et n’est suivi d’aucun procès.
L’espoir ne vient non plus lui chanter des sornettes,
Il n’est pas ballotté par des craintes secrètes,
Et lorsque tous ses jours ont coulé sans émois,
Que son avoir n’est bouffi que de dettes,
Dans la paix, le repos, pour la dernière fois
De ses deux yeux il peut refermer les lorgnettes.

Le « Nil admirari » seul conduit au bonheur,
Disaient jadis les philosophes ;
De Rien aussi le détenteur
Est certes le plus sage, ou l’oncle est menteur,
L’oracle d’Apollon, le grand faiseur de strophes.

Celui-là qui sait pour tout bien
Rien !
(Vite s’apprend cette science,
Et sans grand effort comme on pense),
Oui dà, chaque sot babillard,
Devient par le fait un Socrate ;
Du monde, il est bien vrai, chaque art.
À ses hauts et ses bas ; ainsi qu’un acrobate
Monte et descend ; mais le brave chrétien
Dont l’unique savoir est : Rien !
Voit ce beau savoir là prospérer et s’étendre,
Car Rien ne peut Rien désapprendre.
Les Érudits, ceux-là qui, bien tant pis pour eux,
S’escriment à faire des livres,
Sont pauvres comme Job, à peine de leurs vivres
Ont-ils pouvoir jamais gagner, ces malheureux,
La simple équivalence ;