Je parlais, je parlais, j’allais parler toujours,
Quand sur mon front sentis quelque chose d’étrange,
Et s’arrêta soudain mon orgueilleux discours.
Et puis il me sembla que j’entendais un Ange.
L’Ange me dit : “ Si j’étais toi
De mon temps ferais mieux l’emploi,
Qu’à critiquer de Dieu les œuvres et la loi :
“ Ne gaspillerais pas mes peines
À poursuivre des ombres vaines,
À vouloir réformer de Dieu les phénomènes.
“ Ne resterais pas à cheval
Entre le bien, entre le mal,
Mais porterais mon œil du ciel vers le fanal.
“ L’amour, non plus ses friandises,
D’un grand renom les gourmandises,
Ne pourraient sur mon moi jeter leurs convoitises.
“ Je ne rongerais pas mon frein
Comme toi pour un soin mondain.
Mais vers Dieu je prendrais un élan surhumain.
“ Répudierais ce monde infâme
Pour le ciel je ceindrais mon âme,
Pour la vie immortelle et sa céleste flamme.
“ De chanter donc fais-toi l’octroi,
Beau chanteur ! mais apprends de moi
Que bête, mouche, oiseau sont plus sages que toi ! ”
Sur un roc escarpé surplombant la montagne,
Dominant au loin la campagne,
Un chasseur de chamois, Peau-rouge, était assis ;
Épuisé de fatigue il laissait d’aventure
Au vent flotter sa chevelure,
Charmé de reposer ses pieds endoloris.