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Page:Chatelain - Rayons et reflets.djvu/28

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disparut ; et Tony se retrouva Tony comme devant ; sur le sol même de sa chaumière redevenue ce qu'elle était un an avant, jour pour jour.

Le colporteur se leva brusquement de la chaise sur laquelle il était tombé pour dormir en s'écriant :

— Me voilà ! me voilà…. présent !…

Ah ! ah ! s’écria Tony, parodiant les paroles du colporteur ; qui vous rend donc si friand de sommeil ?

— Eh ! quoi donc, homme, dit le colporteur, ne pouviez-vous attendre la fin des sept années avant de culbuter ainsi votre palais ?

— Ne me parlez pas de palais, reprit Tony ; nature nous commande de manger quand nous avons faim, de boire quand nous avons soif, et de dormir quand nous avons sommeil ; et j'ai appris maintenant, à mes dépens, la valeur d’un bon somme ; ainsi donc bonsoir ami !…

Sur ce, le colporteur reprit sa sonnette d’argent et s'en fut, bâillant et se tiraillant, évidemment très désappointé de n’avoir dormi qu'une année, tandis que notre Tony s'endormait à cœur joie. L'histoire ajoute que tant qu’il vécut, Tony ne regretta jamais, fut-ce une seule fois, les grandeurs jadis achetées par lui si cher au colporteur

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Le pourquoi du narré de ce conte, je le dois au lecteur, le voici :

C’est que, Moi qui ai l’honneur de lui parler, je me fais l’effet de ressembler terriblement au colporteur. Comme lui, il est vrai, je ne cherche pas à acheter du sommeil, Dieu merci ! je dors bien, ayant pour habitude me lever tôt, et me coucher de bonne heure, deux excellents instincts, qui conduisent l’homme tranquillement, sans fatigue aucune, car chi va piano va sano, dit la sagesse des nations, jusqu'au jour où la cloche solennelle l’appelle à partager à jamais ce sommeil qui ne doit plus avoir qu’un dernier réveil.