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Page:Chaucer - Les Contes de Canterbury.djvu/169

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n’y a-t-il pas de temps plus opportun qu’un autre en tel cas ?
n’y a-t-il aucun choix à faire pour le voyage,
surtout pour des personnages de haute condition
et lorsque l’on connaît l’époque d’une naissance ?
Hélas ! nous sommes ou trop ignorants ou trop stupides.

Au navire l’on conduit la belle vierge attristée,
solennellement, en grande pompe.
« Que Jésus-Christ soit avec tous », dit-elle.
Il n’y a plus que des : « Adieu ! belle Constance ! »
320 Elle s’efforce de faire bonne contenance,
et je la laisse naviguer de cette façon
et veux encore revenir à mon sujet.

La mère du sultan, un puits de vices,
a percé à jour le dessein de son fils,
comment il entend abandonner ses anciens sacrifices,
et tout aussitôt elle a mandé ses conseillers à elle
et ils sont venus pour connaître son intention.
Quand ces gens se trouvèrent ensemble réunis,
elle s’assit et parla comme vous allez ouïr :

330 « Messeigneurs, (dit-elle,) vous savez un chacun
comment mon fils est sur le point d’abandonner
les saintes lois de notre Alcoran,
données par Mahomet, le messager de Dieu.
Mais au grand Dieu je fais ce vœu
que ma vie sortira plutôt de mon corps
que de mon cœur la loi de Mahomet !

Que s’ensuivrait-il pour nous de cette loi nouvelle,
sinon servitude pour nos corps et pénitence ?
et plus tard d’être entraînés en enfer,
340 pour ce que nous reniâmes Mahomet, notre foi ?
Mais voulez-vous, messeigneurs, jurer de faire
ainsi que je le dirai, et de vous conformera mon avis,
et pour tout jamais j’assurerai notre salut ? »

Ils jurèrent et promirent tous, jusqu’au dernier,
de vivre et mourir avec elle et de l’appuyer,
et que chacun, du mieux qu’il pourra,
pour l’assister tâtera tous ses amis,