Page:Chaucer - Les Contes de Canterbury.djvu/171

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Le sultan dit : « Je ferai selon votre ordre »,
et la remercie à genoux de cette requête.
Si content était-il, qu’il ne savait que dire.
Elle embrassa son fils et s’en retourna chez elle.


La première partie est finie. Suit la seconde partie.


Ces gens chrétiens ont atterri
en Syrie, avec une grande escorte solennelle,
et en hâte le sultan a envoyé son messager
auprès de sa mère d’abord et par tout le royaume,
390 pour dire que sa femme est arrivée, sans nul doute,
et la prier d’aller à cheval au-devant de la reine
pour maintenir l’honneur du royaume.

Grande était la foule et riche l’arroi
des Syriens et des Romains réunis.
La mère du sultan, riche et parée,
reçut la princesse d’aussi joyeux visage
qu’aucune mère pourrait recevoir une fille chérie
et vers la cité voisine et proche
à petits pas ils chevauchent en pompe.

400 Je m’imagine qu’en rien le triomphe de Jules César
dont Lucain fait si grande vanterie
ne fut plus royal ni plus merveilleux
que l’assemblage de cette multitude heureuse.
Mais ce scorpion, cette âme damnée,
la sultane, malgré toutes ses flatteries,
méditait sous ce masque une piqûre mortelle.

Bientôt après le sultan vint lui-même
avec un apparat si royal que c’est merveille à dire
et accueillit sa fiancée plein de joie et de bonheur.
410 Et je les laisse ainsi demeurer dans la gaîté et la joie ;
c’est l’issue de cette affaire que je raconte.
Quand le moment vint, les gens crurent qu’il convenait
d’arrêter les réjouissances ; ils allèrent prendre du repos.

Le temps vint où cette vieille sultane
disposa le festin dont j’ai parlé
et au festin se rendent les chrétiens,