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Geoffrey CHAUCER


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LES CONTES DE CANTERBURY

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Groupe A.


Le Prologue.


Ici commence le Livre des Contes de Canterbury.


    Quand Avril de ses averses douces
a percé la sécheresse de Mars jusqu’à la racine,
et baigné chaque veine de cette liqueur
par la vertu de qui est engendrée la fleur ;
quand Zéphyr aussi de sa douce haleine
a ranimé dans chaque bocage et bruyère
les tendres pousses, et que le jeune soleil
a dans le Bélier parcouru sa demi-course[1] ;
et quand les petits oiseaux font mélodie,
10qui dorment toute la nuit l’œil ouvert,
(tant Nature les aiguillonne dans leur cœur),
alors ont les gens désir d’aller en pèlerinage,
et les paumiers[2] de gagner les rivages étrangers,
allant aux lointains sanctuaires, connus en divers pays ;
et spécialement, du fond de tous les comtés
de l’Angleterre, vers Canterbury ils se dirigent,
pour chercher le saint et bienheureux martyr[3]
qui leur a donné aide, quand ils étaient malades.

  1. Le soleil entre dans la constellation du Bélier en mars, et la quitte vers le milieu d’avril. « Sa demi-course » veut donc dire : la seconde moitié de sa course. La date des faits racontés par le Prologue peut être fixée approximativement aux 16 et 17 avril 1387.
  2. Les « paumiers » se distinguaient des pèlerins ordinaires en ce qu’ils allaient jusqu’à Jérusalem, ou du moins jusqu’à Rome ; ils rapportaient de leur voyage une branche de palmier ; d’où leur nom.
  3. Thomas Becket, archevêque de Canterbury, assassiné dans sa cathédrale en 1172. Sa tombe était le lieu de pèlerinage le plus fréquenté d’Angleterre.