Page:Chaucer - Les Contes de Canterbury.djvu/387

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ne se voyait en elle, et jamais elle ne mentionnait
le nom de sa fille, sérieusement ou par jeu.


Explicit tercia pars.


Sequitur pars quarta.


610En cet état se passèrent quatre années
avant qu’elle ne portât enfant ; mais il plut à Dieu
qu’elle donnât à ce Gualtier un enfant mâle
fort gracieux et beau à voir.
Et lorsqu’on le vint dire à son père,
non seulement lui, mais tout le pays, se réjouissant
de cet enfant, rendirent grâces et louanges à Dieu.

Quand il eut deux ans, et eut été sevré
du sein de sa nourrice, le marquis
s’éprit un jour d’un second désir
620de tenter sa femme une fois de plus, s’il le pouvait.
Oh ! inutile de la tenter en cette épreuve !
Mais les maris ne connaissent pas de mesure,
lorsqu’ils rencontrent patiente créature[1].

« Femme (dit le marquis), vous savez déjà
que mon peuple supporte mal notre mariage,
et, surtout depuis la naissance de mon fils,
c’est pis que ce ne fut jamais de tout notre temps.
Ces murmures me frappent au cœur et à l’âme,
car la rumeur en parvient à mes oreilles, si poignante
630que mon cœur en est presque anéanti.

Maintenant ils disent : « Gualtier disparu,
c’est le sang de Janicule qui succédera
et sera notre maître, car nous n’en aurons point d’autre » ;
telles sont les paroles que prononce mon peuple, sans nul doute.
C’est mon devoir de prendre garde à de tels murmures,
car, assurément, je redoute pareils jugements,
bien qu’ils ne se déclarent pas ouvertement en ma présence.

  1. Ici Pétrarque dit seulement : « Quo nutrici ab urbe post biennium subducto, ad curiositatem solitam reversus pater, uxorem rursus affatur…. »