Je voudrais vivre en paix, si c’est possible :
aussi suis-je absolument décidé,
comme j’ai disposé de sa sœur nuitamment,
tout de même à disposer de celui-ci en secret.
Je vous en avertis, pour que, soudain,
l’affliction ne vous mette pas hors de vous-même ;
soyez patiente, c’est ce dont je vous prie. »
« J’ai dit (répondit-elle), et je dirai toujours
que je ne veux ni ne refuse rien, soyez-en sûr,
que d’après votre bon plaisir : je ne m’afflige pas
quand même ma fille a été tuée et que mon fils le doive être,
du moins puisque c’est sur vos ordres.
Je n’ai eu d’autre part à mes deux enfants
que la maladie d’abord, et ensuite l’affliction et la peine.
Vous êtes notre seigneur, faites de votre propre chose
tout ce qu’il vous plaira ; ne me demandez point conseil.
Car, de même que je laissai à la maison tous mes vêtements
lorsque je vins auprès de vous, de même (dit-elle),
je laissai ma volonté et toute ma liberté
en prenant vos vêtements : aussi, je vous en prie,
faites votre bon plaisir, et j’obéirai à vos désirs.
Et certes, si j’avais assez de prescience
pour deviner votre volonté avant que de l’entendre,
je l’exécuterais sans négligence ;
mais, du moment que je connais votre désir et ce que vous voulez,
ferme et constante je me conformerai à votre bon plaisir[1],
car, si je savais que ma mort pût vous satisfaire,
très volontiers je mourrais pour vous plaire.
La mort ne saurait être mise en comparaison
avec votre amour. » Et, lorsque le marquis vit
la constance de sa femme, il baissa
les deux yeux et s’étonna qu’elle pût
patiemment souffrir toute cette affaire ;
et puis il s’éloigna, l’air sombre,
mais à son cœur c’était fort grand plaisir.
- ↑ Ce vers pourrait aussi bien signifier : « Je tiens tout votre bon plaisir comme ferme et stable » (i. e. votre résolution comme inébranlable), mais la