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de Campagne d’Horace. I. Part.

que dépouillée de tout ce qu’elle a de groſſier dans les autres lieux. Par ce double avantage de la ſituation de Tarente, la Mer la rempliſſoit des plus efficaces moïens de luxe, & de voluptés, pendant que la Terre lui en fourniſſait la plus abondante matière.

    vation des peaux prétenduës, sans compter l’embarras d’habiller, & de deſhabiller continuellement des troupeaux nombreux. Les peaux qu’exprime la parole d’Horace n’étoient donc que les Peaux des Brébis même. Le Poëte en tire son Épitéte, à cauſe de la laine rare qu’elles avoient la vertu de produire, ce qui les rendoit des Peaux par excellence. Telle eſt l’expoſition que la lettre du paſſage oblige à en faire : mais me ſeroit-il permis d’hazarder une conjecture capable d’en faire connoitre l’eſprit. Ce ſeroit de dire qu’il y a dans l’expreſſion d’Horace une élégance, dont ne ſont ſuſceptibles, que les langues, telle que celle d’Horace, dont la beauté demande de continuelles inverſions de toutes les parties du diſcours, & qui conſiſte dans un double ſens & comme dans un double emploi du même mot, à-peu-prés comme dans les Épigrammes, l'un qu'on exprime, l’autre ordinairement plus riche, qu’on fait entendre. Le mot que je ſoupçonnerois renfermer cette beauté, c’est dulce. Il se rapporte bien certainement à Flumen dont il est l’Epitéte : mais il est placé au commencement du Vers à coté de pellitis se préſentant de premier aſpect pour ainsi dire, comme son adverbe. Cette place ne lui a-t-elle pas été ménagée avec art afin qu’il frappât l’eſprit de ſon ſens adverbial, avant qu’on pût ſavoir dans le vers suivant ſeulement ſon ſens adjectif ? Dulce adverbe ſe voit deux-fois tout-de-suite dans l’Ode à Lalagé dulce loquentem, dulce ridentem. Cette expoſition reçue, il ne ſeroit pas beſoin de dire l’éffét qu’elle produiroit ſur la phraſe d’Horace. Dulce pellitis exprimeroit le fin, & le moéleux de la laine des Brébis de Tarente qui formoit juſtement leur qualité.