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CHARLES GUÉRIN.
De ma vaine frayeur qui renaîtra demain,
J’en reviens au pavé dont le nombre incertain
Fesait qu’en les comptant mon cœur battait à peine,
Qu’à force de trembler je ne voyais pas clair.
Il ne reviendra pas de toute la semaine,
Me dis-je alors tout haut, si le nombre est impair.
Il est pair — j’ai compté — Dût ta bouche railleuse
Sourire un peu de moi, je me sentis joyeuse.
Par un second calcul je n’osai pas risquer,
Un bien déjà promis.. je pouvais le manquer
Peut-être en me trompant ; du pavé prophétique
J’ai détourné les yeux……………
Grand Dieu ! je viens d’entendre un air Napolitain,
Un air gai le lundi… je pleurerai demain.
Un enfant a chanté — cela marque la joie —
Un chien hurle — la peine — ainsi toujours en proie
À la crainte, à l’espoir — Mais le soleil a lui,
Dans un nuage d’or le voilà qui se noie,
C’est preuve de bonheur… quelqu’un vient — ah ! c’est lui !
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Elle est bien heureuse et moi pauvre Marichette, quand pourrai-je dire : Ah ! c’est lui !
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26 Avril.
J’ai reçu aujourd’hui une lettre d’Emilie. Voilà ce que j’appelle
une bonne amie. Elle est lancée dans le monde et elle
ne m’oublie point dans mon petit coin. Elle s’informe de
mon Album. J’aurais honte de lui dire l’usage que j’en fais.
Elle m’avait ai bien recommandé en me faisant ce cadeau, de
l’emplir de jolies aquarelles et surtout d’y peindre les fleurs des
bois qu’elle aimait tant et que nous allions cueillir toutes deux
un livre de botanique à la main.
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11 Mai.
M’aurait-il oublié ? Ah ! cette pensée est affreuse, il faut la
chasser bien vite.
J’ai surpris mon père aujourd’hui qui me regardait travailler ;
il s’est éloigné, les yeux pleins de larmes. Aurait-il compris ?