était l’aîné de la famille. Le bonhomme portait la cassette. Quand il s’est retiré du métier de colporteur, il avait une assez jolie fortune ; avec ça il a fait éduquer un de ses garçons.
— Ah ! et pourquoi son fils est-il le seul qui s’appelle Voisin ?
— Dame, c’était son goût de s’appeler de même. Il trouvait cela plus beau apparemment. Comme il ne naviguait pas du même bord que le reste de la famille, il n’était peut-être pas fâché de mettre un autre pavillon… Savez-vous que ça va faire un gros avocat, notre cousin ; et puis il va se marier avec une fille riche ; mais riche que ça n’est pas pour rire de dire ce qu’elle est riche.
— Ah ! et quelle est cette demoiselle ?
— Las ! je ne sais pas trop si je dois vous conter ces affaires-là. Mon cousin François qui est venu me voir, il n’y a pas longtemps, m’en a jasé pas mal long : mais il m’a dit de ne pas raconter ça à tout le monde.
— À la bonne heure, si je suis tout le monde.
— Tiens, Docteur, vous allez vous fâcher ? Ah, bien qu’à ça ne tienne. Je me fiche diablement de mon cousin François, et de mon cousin l’avocat. Si ça vous amuse, je vous conterai toute cette manigance-là et bien d’autres avec. Mais il n’y a guères de vent dans les voiles ce soir, je suis joliment essoufflé… si vous me donniez un peu de vos gouttes… bon.
— Faut vous dire pour commencer, que c’est avec Mlle. Wagnaër, la fille unique et héritière du gros marchand de R…, que se marie mon cousin Henri.
— Quoi ? Que dites-vous ? Avec Mlle. Wagnaër !
— Quand je vous le dis : ça vous surprend, hein ? Ça en est-il un peu un parti ? On dirait mon bourgeois que ça vous fait de la peine. Est-ce que vous auriez eu des intentions ?
— Allez toujours.
— À vos ordres. Vous n’avez qu’à commander la manœu-