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CHARLES GUÉRIN.

que cela intéressait d’avantage. Plusieurs renoncèrent après lui avoir donné leur parole, quelques uns même de ceux qui furent explorer la terre promise, la décrièrent à leur retour et le contrecarrèrent de toutes leurs forces.

Il eut aussi beaucoup de difficultés avec le seigneur pour la portion de l’établissement qui se trouvait dans sa seigneurie, et il éprouva des lenteurs et des tracasseries sans fin de la part du gouvernement pour l’octroi des patentes.

Il avait réalisé tout ce qui était réalisable de la succession de M. Dumont ; et il se voyait en état pécuniairement de faire face aux difficultés les plus pressantes.

La première année fut employée à l’arpentage des terres et au tracé d’un chemin qu’il fit ouvrir par les associés eux-mêmes par corvées, comme cela se pratiquait dans les premiers temps du pays où les colons ne comptaient point sur le gouvernement pour toute espèce de chose.

La seconde année fut employée à des défrichemens en proportions égales sur la terre de chacun. Il avait imposé de son autorité privée à chaque père de famille qui avait un fils d’engagé dans l’entreprise, une certaine somme pour les provisions dont il s’était fait le fournisseur, sans autre profit que d’en payer la moitié à lui tout seul. Il avait soin que ses gens fussent bien nourris, car le défricheur canadien est un peu comme le soldat anglais, il faut avoir soin de son physique, si l’on veut que son moral se soutienne.

Il conduisait et limitait lui-même les défrichemens. Il avait le soin de conserver une érablière sur le haut de chaque terre et il ne détruisait qu’à regret cet arbre prodigieux qui abondait partout dans la petite colonie. Il prit aussi bien soin d’épargner quelques beaux groupes d’arbres dans les champs et le long des chemins, pour y voir plus tard les moissonneurs s’y reposer à l’ombre, et aussi les voyageurs et encore le pauvre bétail dans les ardeurs de l’été.